JEFF KOONS À VERSAILLES

On n'oserait plus critiquer aujourd'hui le château Versailles, qui appartient au patrimoine culturel de la France au même titre que la tour Eiffel ou le musée du Louvre par exemple : le jugement esthétique et le sens critique sont paralysés par le respect dû aux monuments historiques, que notre éducation nous inculque dès la plus tendre enfance, parce que c'est vieux et royal à la fois. Louis XIV ne pouvait pas avoir mauvais goût, n'est-ce pas ? La preuve par Hyacinthe Rigaud avec son portrait sobre et de bon goût !


 

Pourtant, si l'on accepte de mettre de côté ses préjugés et de regarder le château de Versailles d'un oeil neuf et non à travers un regard formaté par sa dimension historique et symbolique qui neutralise le jugement esthétique, on avouera sans peine que, Versailles, c'est kitsch : moulures à la pelle, dorures à gogo, peintures mythologiques, lustres en cristal, miroirs gigantesques, démesure et hyperbole à tous les étages etc. etc. etc... En réalité, contrairement à ce que l'on dit habituellement, le château de Versailles n'est pas un temple du classicisme par sa régularité, mais plutôt un palais baroque par son extravagance et sa démesure (contrairement d'ailleurs à ses jardins aux lignes géométriques, symétriques et épurés).

Versailles est aussi kitsch que le Panthéon peut être laid et moche (autre institution qu'on n'ose pas critiquer alors que c'est une meringue, une choucroute massive et imposante, une verrue que je que je ferai détruire quand je serai Président de la République, na).

Pour le dire autrement, Versailles est m'as-tu vu et tape à l'oeil et fonctionne comme un piège qui cherche à impressionner le visiteur et les courtisans, à les ébahir, les étonner, les stupéfier, à leur en imposer. Bref, c'est un dispositif à la gloire du roi soleil.

L'exposition Jeff Koons, qui vient d'avoir lieu, relève du même projet et le parallélisme d'intention semble sauter aux yeux. C'est exactement la même ambition que celle de Louis XIV : même démesure, même mauvais goût assumé, même toc, même facilité ; on cherche à en mettre plein la vue, à épater le badaud (voire le nigaud), à faire parler de soi, c'est la même stratégie marketing qu'hier mais à la gloire de l'artiste cette fois-ci - bref, la même hybris, le même clinquant déteint, transposition moderne du bling-bling d'hier...

 

SAR le prince de Bourbon-Parme, qui demandait l'interdiction de l'exposition, au prétexte qu'il s'agissait d'irrespect envers son illustre aïeul, n'a donc rien compris : loin d'être une profanation, c'est plutôt un hommage que Jeff Koons rend à Louis XIV en révélant le caractère mégalomaniaque d'un projet architectural qu'il actualise par d'autres moyens.

En fait, si je dis tout ça, c'est qu'à la vérité je suis blessé dans mon ego par une telle concurrence et donc épouvantablement jaloux. Mais je vous rassure : je me soigne avec ce site. ;-)

 

 

 

 

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