PETIT PRECIS D'HÉRALDIQUE

 

Né au XIIème siècle sur les champs de bataille, l'art des armoiries a eu pour fonction première de permettre l'identification des chevaliers rendus méconnaissables par leur casque et leur armure. Son usage se répand alors dans l'aristocratie, parce que cela permet notamment de faire savoir à l'adversaire que l'on est noble, que l'on peut donc être rançonné et d'éviter ainsi de se faire tuer contrairement à la piétaille (c'est une sorte d'assurance vie).

D'où l'idée reçue selon laquelle les armoiries seraient le monopole de la noblesse alors que tout le monde peut en porter – qu'il soit noble ou roturier (l'Armorial général de France rédigé par d'Hozier les recense ainsi tous) – pourvu qu'on ne copie pas des armoiries déjà existantes et qu'on respecte certaines règles dans l'organisation de l'écu. Il existe en effet un code fonctionnel issu de la nécessité d'identifier de loin le porteur des armoiries : des couleurs vives et contrastées, des figures fortement stylisées et des symboles parlants.

 

I° Les couleurs

Les couleurs se divisent en trois groupes :

a) Les émaux

 

II° Les règles d'association

Le souci de lisibilité des armes s'exprime par la règle fondamentale dite de « contrariété des couleurs », qui interdit de superposer deux couleurs appartenant au même groupe (émail sur émail, métal sur métal – les fourrures elles étant considérées comme "amphibies", c'est-à-dire mixtes et donc compatibles avec toutes les catégories) : il s'agit de faire en sorte que les couleurs tranchent. Ainsi, les logos comme les panneaux de signalisation routière – lointains descendants des armoiries – respectent cette règle, comme le sens interdit par exemple : bande blanche d'argent (métal) sur fond rouge ou gueules (émail).

On relèvera toutefois l'exception célèbre que constituent les armes de Godefroy de Bouillon (roi de Jérusalem du temps des Croisades), dont l'écu affichait métal sur métal (Godefroy portait en effet "d'argent à la croix potencée d'or, cantonnée de quarte croisettes de même"), à une époque où les règles d'héraldique n'étaient pas encore tout à fait établies (cf. Invanhoé de Walter Scott à ce sujet). Lorsque l'on rencontre ce solécisme, on parle alors d'armes à enquerre. L'expression signifie qu'il faut s'enquérir de l'ancienneté du blason, et de la raison de l'anomalie qu'il représente.

 L'écu est l'élément essentiel de la composition héraldique : les supports, comme la devise (cri de guerre), le cimier, les couronnes, les casques et les heaumes, qui surmontent et accompagnent les écus n'ont absolument aucune valeur et jouent un rôle purement décoratif (même si, sous l'Empire, Napoléon les codifie strictement et qu'ils acquièrent alors un rôle d'indicateur de titre).

 

III° Lecture et interprétation des armoiries

Comme toutes les images médiévales, la lecture des armes et de l'écu doit commencer par le plan du fond puis les plans du devant – contrairement à nos habitudes modernes. Plus précisément, on énonce, dans l'ordre :

– éventuellement, le champ, c'est-à-dire la forme de l'écu, les partitions et les couleurs ;

– la ou les pièces ou figures principales ;

– celles du troisième plan chargeant le deuxième, et les meubles les chargeant ;

– celles du quatrième plan surchargeant le troisième ;

– le chef, la champagne, les deux flancs et la bordure ;

– les brochant sur le tout ;

– et enfin les ornements extérieurs.

Il n'existe ainsi – à de rares exceptions près – qu'une seule façon de décrire des armoiries et inversement on ne peut dessiner qu'un seul écu à partir d'une description.

Les "meubles" – ou figures de l'écu – sont d'usage assez libre : par exemple, une croix peut indiquer un ancêtre qui a participé aux Croisades, mais ce n'est pas automatique ; en fait, chacun fait le choix qui lui plaît suivant sa fantaisie, il s'agit souvent d'armoiries dites parlantes où les noms sont mis en image (une famille Lecocq portera un coq par exemple). Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi on rencontrait si souvent dans les romans historiques des auberges arborant comme écu un lion d'or (manie dont Flaubert se moque avec son ironie si propre à lui, dans Madame Bovary) ? Parce que le lion d'or, c'est le lit-où-on-dort ! Il s'agit là d'un jeu de mot authentique et fort répandu au Moyen-Âge...

Il existe cependant une hiérarchie d'importance dans certaines figures. Ainsi l'usage du chevron d'or constitue une revendication d'authentique noblesse : seules peuvent l'utiliser les familles d'extraction noble ; de même, alors que, contrairement à une idée reçue, la fleur de lys n'est en rien le monopole des rois de France et que tout le monde peut en porter (on parle du reste à tort de fleur de lys, puisqu'il s'agissait en fait d'iris, mais l'appellation fautive est restée, peut-être à cause de la déformation phonétique de "fleur de Louis", quand on prononçait encore le "s" final), la rose, en revanche, est une distinction honorifique : on peut alors penser qu'une famille, qui, à l'origine, portait des quinte-feuilles, qui sont par la suite devenues des roses, a ainsi voulu marquer une prise d'importance.

On notera enfin que seul l'aîné d'une famille a le droit de porter les armes paternelles inchangées ; les autres membres de la famille doivent différencier leurs armes en les modifiant légèrement : c'est ce que l'on appelle des brisures d'armes.

Les armoiries constituent donc un code social qui, par le jeu de ses règles, situe souvent un individu dans un groupe et ce groupe dans la société.



IV° La chevalière

La chevalière est la bague qui porte les armoiries. Son dessin est gravé à l'envers (en négatif), de façon à pourvoir servir de sceau : les armes se retrouveront alors à l'endroit.

La chevalière peut se porter soit « en baise-main » (pointe de l'écu vers l'extérieur), soit « en bagarre », c'est-à-dire pointe de l'écu vers l'intérieur. Le bon goût voudrait qu'on la porte plutôt en bagarre, dans la mesure où cela est un peu plus discret. De même, il convient d'éviter de choisir une chevalière tape-à-l'oeil et de surcharger l'écu d'une couronne ou de je ne sais quel autre ornement : étant par nature un accessoire un peu voyant, la sobriété est ici de rigueur ! Enfin, on ne porte pas de chevalière avant 18 ans.

La coutume veut également que chez les nobles la chevalière se porte à l'annulaire gauche lorsque l'on est le chef d'armes (l'aîné) et à la main droite si l'on est le cadet – ce que beaucoup ont d'ailleurs tendance à oublier (si l'on décide de porter une chevalière, il convient au moins de savoir comment cela se porte) !

 


Remarque. Attention, quoi qu'en dise le dictionnaire, il ne faut pas confondre les armoiries et le blason (forme inventée par Marot) : les armoiries sont les figures et les devises dont est chargé l'écu, le blason est la description que l'on en fait ; le blason est une science, les armoiries en sont l'objet.

 

 

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