DU BON USAGE

DES TITRES DE NOBLESSE

ET DE LA PARTICULE.

 

I° Du bon usage des titres de noblesse.

1 / Déclinaison et classement supposé.

On croit généralement qu'il y a une sorte de classement - par rang d'importance entre les titres (qui ne prennent pas de majuscule) - qui serait le suivant : prince / duc / marquis / comte / vicomte / baron / chevalier / écuyer. On notera au passage que, contrairement à une idée reçue, le vicomte n'est pas un vice-comte, mais celui qui exerce la charge de vicaire, c'est-à-dire la fonction judiciaire et que, par ailleurs, avant le XIIème siècle le terme de baron n'existe pas encore (on disait à l'époque " Seigneur de... ", car être baron consiste à détenir un fief) et on n'oubliera pas enfin les deux derniers titres de chevalier et d'écuyer qui sont des titres de noblesse sans fief (Jean de La Fontaine sera ainsi accusé en 1662 d'avoir usurpé le titre d'écuyer et condamné à verser une lourde amende car il s'agit de l'usurpation d'un véritable titre de noblesse).

Ce classement s'explique par le fait que le duc exerce - au nom du souverain - des pouvoirs de nature militaire et judiciaire sur un ensemble de comtés (c'est une sorte de préfet de l'époque) et que le marquis - du fait qu'il contrôle un comté situé à la frontière du royaume (une " marche ") - est un comte doté de pouvoirs militaires qui lui permettent de lever le contingent de l'armée sans en avoir reçu l'ordre du souverain, de façon à pouvoir réagir rapidement en cas d'invasion.

2 / De l'importance réelle du grade.

C’est cette autorité accrue qui permettra par la suite aux marquis de prétendre avoir un rang hiérarchique supérieur à celui des comtes. Mais, sous l'Ancien Régime, il n'y a dans les faits pas de hiérarchie entre les titres nobiliaires (sauf pour ceux de duc et de prince) : un comte est alors le plus haut rang de la noblesse, la plus haute dignité de la noblesse française d'Ancien Régime.

Il faut savoir que cette idée de hiérarchie est une invention qui date du XIXème siècle : elle a été introduite en France par Napoléon Ier, qui s'est inspiré, une fois n'est pas coutume, du système anglais, et ne concerne donc que la noblesse dite d'Empire. En réalité, le titre n'a guère d'importance : ce qui compte, c'est le nom. Ce n'est donc pas le titre mais le patronyme qui fait le prestige - prestige lui-même déterminé soit par l'ancienneté, soit par la grandeur de la maison dont on est issu.

Ainsi, dans À la recherche du temps perdu, et plus précisément dans À l'ombre des jeunes filles en fleurs, Charlus, qui est le frère cadet du duc de Guermantes, qui est aussi "duc de Brabant, damoiseau de Montargis, prince d'Oléron, de Carency, de Viareggio et des Dunes", devrait porter le titre de prince des Laumes mais préfère le titre de baron, "avec une apparente simplicité où il y a beaucoup d'orgueil", car il s'agit là du titre le plus ancien et donc le plus prestigieux.

De même, le comte de Paris, qui prétend pourtant au trône de France, n'est que comte : "En France, le titre de duc prime tous les autres, même celui de prince, quoiqu'en thèse héraldique pure de tout sophisme, les titres ne signifient absolument rien, et qu'il y ait égalité parfaite entre les gentilshommes. Cette admirable égalité fut jadis soigneusement maintenue par la maison de France ; et, de nos jours, elle l'est encore, au moins nominalement, par le soin qu'ont les rois de donner de simples titres de comtes à leurs enfants" (Balzac, Les Secrets de la princesse de Cadignan).

On notera enfin que la notion de quartier de noblesse n'existe pas en France : le titre se transmettant exclusivement par la voie masculine, il ne saurait en effet être remis en cause ou tout du moins modulé dans son degré par le mariage ; c'est la raison pour laquelle l'autorité royale ne s'en est jamais soucié en France...

                        3 / Les titres dits " de courtoisie ".

Il s’agit d’une vieille coutume de l’Ancien Régime, qui veut qu’hormis les titres de prince et de duc, l'usage de tous les autres reste assez souple. Sachant que seul le chef de nom et d'armes a droit au titre régulier, les cadets ont pris l’habitude de décliner le titre : si le chef d’armes est comte par exemple, le cadet prendra alors le titre de courtoisie de vicomte. On l’indique en précisant son prénom ou l'initiale de celui-ci après le titre. Ainsi convient-il de distinguer le comte de Galembert, qui est un titre régulier, du vicomte L. de Galembert, qui est un titre de courtoisie.

Cette pratique n’a jamais posé de problème à l’administration royale dans la mesure où les titres de courtoisie n’ont jamais prétendu être des titres réguliers et où - en tout état de cause – comme on l’a déjà dit - le titre n’a en lui-même aucune valeur.

4 / Remarque terminale.

J'ajoute toutefois, et c'est là un jugement porté à titre personnel, qui n'a aucune valeur protocolaire, la remarque suivante : on juge l'arbre à ses fruits et non pas à ses racines.

"Ah ! quelle bassesse est la vôtre ! Ne rougissez-vous point de mériter si peu votre naissance ? Êtes-vous en droit, dîtes-moi, d'en tirer quelque vanité ? Et qu'avez-vous fait dans le monde pour être gentilhomme ? Croyez-vous qu'il suffise d'en porter le nom et les armes, et que ce nous soit une gloire d'être sorti d'un sang noble lorsque nous vivons en infâmes ? Non, non, la naissance n'est rien où la vertu n'est pas. Aussi nous n'avons part à la gloire de nos ancêtres qu'autant que nous nous efforçons de leur ressembler ; et cet éclat de leurs actions qu'ils répandent sur nous, nous impose un engagement de leur faire le même honneur, de suivre les pas qu'ils nous tracent, et de ne point dégénérer de leurs vertus, si nous voulons être estimés leurs véritables descendants. Ainsi vous descendez en vain des aïeux dont vous êtes né : ils vous désavouent pour leur sang, et tout ce qu'ils ont fait d'illustre ne vous donne aucun avantage ; au contraire, l'éclat n'en rejaillit sur vous qu'à votre déshonneur, et leur gloire est un flambeau qui éclaire aux yeux d'un chacun la honte de vos actions. Apprenez enfin qu'un gentilhomme qui vit mal est un monstre dans la nature, que la vertu est le premier titre de noblesse, que je regarde bien moins au nom qu'on signe qu'aux actions qu'on fait et que je ferais plus d'état du fils d'un crocheteur qui serait honnête homme, que du fils d'un monarque qui vivrait comme vous." (Molière : Dom Juan : IV-4).

 


 

II° Du bon usage de la particule.

1 / Marque de noblesse ?

Contrairement à une idée reçue, la particule ne saurait en aucun cas être prise comme une marque de noblesse (pas plus d'ailleurs que son absence empêche d'être noble : j'en veux pour preuve l'exemple des rois de France qui portaient tout simplement Capet pour patronyme).

2 / Majuscule ou minuscule ?

Là encore, contrairement à une idée reçue, la particule de ou d' ne prend jamais de majuscule - même s'il l'on n'est pas noble. La raison en est simple : puisque, comme mentionné ci-dessus, la particule n'indique nullement la noblesse, il n'y a aucune raison d'établir une distinction ; elle n'a aucune valeur nobiliaire ou non.

On écrira ainsi : Charles de Gaulle, bien qu'il ne soit pas noble. L'intéressé signait d'ailleurs :

Il n'y a qu'une seule exception à cette règle. Il s'agit des cas où la particule de est elle-même déjà précédée par la préposition de : dans ce cas, et seulement dans ce cas-là, on mettra alors une majuscule afin d'éviter toute confusion entre la particule et la préposition. On écrira donc, par exemple : un discours de De Gaulle.

On trouve d'ailleurs l'appui de l'Académie française en cette matière. Quand j'ai sollicité son arbitrage lors d'un différend avec un ami à ce sujet le Secrétaire perpétuel, Maurice Druon, a eu l'amabilité de me répondre ainsi :

"Vous avez totalement raison. Les règles d'usage qui commandent l'emploi de la particule sont celles que vous dîtes. Ce n'est pas la particule qui fait la noblesse, mais l'anoblissement d'un patronyme auquel s'accole un nom de fief.

L'usage c'est [sic!] développé de différentes manières. Dans les temps révolutionnaires où beaucoup de gens, par prudence, ont laissé tomber leur particule, d'autres la prenaient comme une indication de provenance, exemple : Dupont de l'Eure. L'Empire, la Restauration, le deuxième Empire, ont créé des anoblissements sans particule : Baron Gros, Baron Louis, Baron Gérard, etc.

La particule de s'écrit toujours en minuscule, sauf pour les noms en une syllabe après un de dans la phrase (... de De Gaulle) ; exemple que vous avez d'ailleurs donné."

Les particules du et des s’écrivent avec une minuscule quand elles sont précédées du prénom, du titre ou d'une dénomination (Joachim du Bellay). Elles prennent en revanche une majuscule après une préposition (un recueil de Du Bellay) ou quand le nom est employé directement (Du Guesclin a vaincu les Anglais).

3 / Appellation.

La particule ne s'emploie donc que si elle est précédée d'un prénom, d'un titre ou d'une dénomination et jamais lorsque le nom est isolé : on dit ainsi Laurent de Galembert, le comte de Galembert, monsieur de Galembert ou la famille de Galembert, mais on dit les Galembert ou Galembert s'il l'on emploie le nom tout court (sauf si le nom est composé d'une seule syllabe, commence par une voyelle ou un H muet ou si la particule est du : on dit directement de Gaulle, d'Aspremont, d'Hozier ou Du Fresne ; il n'y a que de rares exceptions avec Sade et non de Sade, ou encore Retz, Maistre et Broglie - prononcé Breuil, comme tout le monde le sait - alors qu'il n'y a qu'une seule syllabe).

Attention au maniement du La, où la particule disparaît tout à fait normalement lorsque le nom est seul mais où en revanche le La reste : on dit alors La Bruyère ! Autre subtilité : le La ne prend pas de majuscule lorsqu'il est précédé de la particule, mais il en prend une lorsque le nom est isolé. On écrit ainsi Jean de la Fontaine, mais les fables de La Fontaine.

La particule fonctionne donc comme une annexe du nom et c'est la raison pour laquelle c'est l'initiale du nom usuel qui sert de référence dans un classement par ordre alphabétique et non la particule : Galembert, par exemple, se classe à G et non à D. En revanche, les noms dont la particule est du ou des sont classés à D (on place Du Bellay à la lettre D et non à la lettre B). De même en ce qui concerne les noms précédés de l'article La ou L' (La Fontaine sera classé à L et non à F).

Enfin, on ne fait jamais suivre l'appellation monsieur / madame / mademoiselle d'un titre. Ainsi, par exemple, ne dira-t-on pas Monsieur le comte, ce qui est réservé au personnel de maison, sauf en ce qui concerne le titre de duc, où - pour les plus puristes - cette mention s'avère obligatoire pour tout le monde : on dit ainsi Monsieur le duc (d'où la colère que manifeste Charlus vis-à-vis du comportement de Jupien qui ne connaît pas cette exception, dans Le côté de Guermantes)...

 

 

 

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