LE RÉVEIL DE LA BELLE AU BOIS DORMANT

 

Il était une fois une belle et jeune princesse qui fut condamnée par une vieille et méchante sorcière au nez crochu à se piquer un jour où elle ferait de la broderie et à tomber alors dans un profond sommeil qui devait durer cent ans, jusqu’à ce qu’un prince charmant vienne enfin la réveiller en l’embrassant. Malgré l’interdiction du roi son père qui proscrivit l’usage de l’aiguille dans tout le royaume, la malédiction finit tout de même par se produire...

Mais cent ans durent longtemps, très longtemps, trop longtemps. Comme la princesse commençait à s’ennuyer en attendant son prince charmant qui n’arrivait toujours pas, elle finit par se réveiller – en bâillant certes quand même un peu n’ayant pu achever sa sieste.

La première sensation qu’elle éprouva fut celle d’un froid glacial transperçant les draps de soie, le feu de la cheminée ayant terminé de brûler depuis longtemps. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, la princesse découvrit avec horreur de grandes toiles d’araignées tissées aux quatre coins du plafond réalisé tout en boiseries précieuses. Elle constata alors un peu inquiète qu’aucun son ne parvenait à ses oreilles : le palais semblait désert et déserté par tous les serviteurs, il n’y aurait donc personne à qui parler en attendant la venue du prince charmant. " Décidément, qu’est-ce que les garçons peuvent être parfois agaçants ! " songea-t-elle.

Après s’être longuement étirée, la princesse se décida à se lever au lieu de paresser au lit. Ayant chaussé ses pantoufles d’hermine fourrées et enfilé sa robe de chambre brodée d’or et d’argent, elle se dirigea aussitôt vers la grande glace qui ornait le dessus de la cheminée, afin de vérifier que ce long sommeil n’avait pas altéré les traits fins et délicats de son visage puis – rassurée par la fraîcheur de son teint et l’éclat de ses joues incarnates et de ses lèvres vermeilles – elle entreprit de brosser ses cheveux dorés qu’elle avait fort beaux et qu’elle savait d’ailleurs constituer une bonne part de son charme féminin. Elle délaissa alors sa chaude robe de chambre pour une magnifique robe de soie vert émeraude mettant parfaitement en valeur sa taille svelte et dans laquelle elle resplendissait de beauté. Elle choisit enfin avec soin les différents bijoux dont elle entendait se parer : boucles d’oreilles aux pendentifs ornés de diamants de la plus belle eau, collier de perles qui soulignait à merveille la blancheur de son cou et bagues d’or fin incrustées; de pierres précieuses aux mille éclats.

Elle était bien déterminée à amener le prince à regretter d’avoir tant tardé à découvrir une princesse comme elle, si jolie, à l’éducation achevée et dansant à la perfection au bal.

Mais le prince charmant ne se manifestait toujours pas et la princesse dans son impatience se demandait si les cent ans du sort ne s’étaient pas déjà écoulés : que lui était-il donc arrivé, avait-il rencontré sur son chemin semé d’embûches un obstacle qui aurait eu raison de lui malgré sa force légendaire, son courage de lion et sa vaillance à toute épreuve ?

Puisqu’il ne vient pas à moi, j’irai donc à lui ! ", décréta la princesse à moitié déçue. Elle sortit dans le jardin, se dirigea vers le potager et claqua dans ses doigts devant une grosse citrouille, qui se transforma instantanément en un magnifique carrosse lambrissé et armorié. La princesse y monta et se laissa choir sur la molle banquette, couverte de moelleux coussins de satin et de velours d’une incomparable douceur, tandis que quatre vigoureux étalons à la robe soyeuse et lustrée démarraient en hennissant et conduisaient l’attelage en direction du palais royal, à travers la forêt dont les ronces et les épines s’écartaient sur leur passage.

Arrivée aux alentours du château, la princesse tomba en plein préparatifs de mariage. Intriguée, elle abaissa la glace de son carrosse et s’adressa au premier paysan qui passait par là en l’interrogeant sur la raison de ces festivités : " C’est monseigneur qui se marie, gente damoiselle ", déclara ce dernier en ajoutant encore un " Vive le prince ! " retentissant. Alors que des banderoles de joie claquaient au vent dans tout le village en liesse, la princesse reçut cette réponse comme un coup de poignard et une larme coula sur sa joue tandis qu’elle se rejetait à l’intérieur de son somptueux carrosse et une onde de cruelle et inextinguible jalousie se répandit en son coeur : " Qui est donc ma mystérieuse rivale ? " se demanda-t-elle.

Le carrosse prit le chemin de la cathédrale que l’on devinait au loin et où devait se dérouler la cérémonie, la princesse espérant croiser le cortège et découvrir l’heureuse élue. Elle aperçut bientôt la riche suite princière qui s’avançait au milieu des cris de joie et des vivats poussés par une foule en délire entourant cet équipage des grands jours : le roi et la reine s’avançaient ainsi sur leur palefroi caparaçonné à leurs couleurs et étaient suivis du prince chevauchant un pur-sang sous un dais aux passementeries frangées d’or. Penchant la tête au dehors, la princesse distingua, au milieu de la multitude de laquais accompagnant leurs maîtres, la majestueuse silhouette du prince, beau comme un dieu, dont le port altier était encore renforcé par l’élégance de son costume, de son magnifique pourpoint et de son chapeau empanaché de plumes multicolores. Le convoi progressait lentement, car le prince puisait à pleines mains dans une vaste bourse de cuir des pièces d’or qu’il distribuait ensuite aux pauvres assemblés alentours dans un sourire des plus charmeurs et charmants.

Enfin, roi, reine et prince arrivèrent à l’église, tendue de brocarts d’argent et de tentures pourpres, où régnait une ambiance de fête, de gaieté et d’allégresse. Cette petite troupe gravit avec peine les degrés du perron menant à l’entrée de la basilique – tant la foule compacte et amassée était difficile à fendre – et pénétra majestueusement sous la nef au son des grandes orgues qui éclataient en leur honneur en ce jour de réjouissances, tandis que prêtres et prélats accouraient à leur devant leur rendre hommage.

Pour cette cérémonie, avaient été invités Blanche-neige, les sept nains, Cendrillon, Merlin l’enchanteur et toutes les personnalités du royaume et des contrées alentours. La princesse se glissa le plus discrètement possible dans ces travées remplies de têtes couronnées et de diadèmes aux brillants étincelants, au milieu desquelles elle ne déparait certes pas mais d’où elle ne parvenait pas à apercevoir son adversaire.

La célébration allait bon train, mêlant aux chants mélodieux l’encens capiteux et la lumière chatoyante des vitraux qui illuminait l’assistance de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel ; tout le monde attendait avec impatience le moment fatidique de l’échange des anneaux, qui étaient encore enfermés dans un petit coffret ouvragé de bois exotique et précieux.

Enfin – éclatant de jeunesse, de santé et ivre de bonheur – le prince charmant se leva, la princesse retint son souffle et dévisagea la personne aux cheveux blonds, aux yeux bleus, aux traits fins et gracieux, vêtue d’un justaucorps fort seyant, qui s’avançait aux côtés du prince et qui était un splendide garçon. La princesse n’en crut pas ses yeux, mais elle dut bien finir par admettre la réalité devant le baiser à pleine bouche que le prince déposa tendrement sur les lèvres de son bien-aimé : le prince charmant préférait les garçons !

Tout s’expliquait enfin et la princesse ressentit un indicible soulagement à sa jalousie : cela n’avait rien à voir avec ses qualités personnelles ; c’était juste une belle histoire d’amour.

 

 

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